Voilà un an que je masterise régulièrement des petits scénarios hors campagne en parallèle de Cthulhu. L'un de ces scénarios n'est autre que le tant attendu one-shot de "Cat", dont les prémices avaient été discutées sur l'Organisation Très Secrète depuis octobre 2008. Oui, vous avez bien lu : entre la création des personnages et la première séance du premier groupe, il a fallu attendre 5 longues années (6 au total, pour finir le scénario avec le second groupe). Après deux itérations, je pense mettre ma création de côté : sans être désagréable, elle manque de punch quand on la compare aux scénarios de L5R ou de Star Wars (en préparation). L'occasion d'un premier billet "bilan", qui sera suivi par un (voire deux) billets résumant les deux groupes et le déroulement du scénario.


Cat, le jeu de rôle

The Boogeyman is still under the bed. Bloody Mary is still in the mirror. All your childhood fears are alive and well, looking for you. And your only guardian... is Mister Whiskers.

C'est en 2005 que j'ai découvert, au sommet des ouvrages les mieux notés du "Guide du Rôliste Galactique" (GROG, quoi), un élément au titre prometteur : sobrement intitulé "Cat", le jeu avait été développé par John Wick, l'excentrique auteur ayant pris part à la création de "Legend of the Five Rings" (L5R). Couplée aux critiques dithyrambiques et à mon amour des félins domestiques, cette référence m'a rapidement convaincu d'aligner les quelques 5 USD nécessaires à l'achat du PDF.

Si "Cat" a tellement séduit, c'est parce qu'il propose évidemment d'incarner des chats, vus sous un angle positif. Dans l'univers du jeu, nos amis félins sont des protecteurs bienveillants - quoique parfois réticents - qui veillent sur les humains abrutis que nous sommes : ils nous protègent de nous-même, mais également des Boggins, des esprits maléfiques qui se logent dans nos peurs et nos déviances. Pour ne rien gâcher, le système se veut discret et narrativiste : lorsque le jeu est sorti en 2004, ces mécanismes étaient encore assez rare. Les chats sont dotés de six caractéristiques, appuyées par des "réputations" qui fonctionnent comme des compétences. Un chat peut, par exemple, être connu pour être un excellent chasseur de souris. Dans ce cas, le joueur est libre de négocier avec le MJ pour expliquer de quelle manière cette réputation peut l'aider dans certaines tâches. "Cat" s'escrime à donner un sens aux pitreries pour lesquelles les chats sont connus : votre Maine Coon dort 14h par jour ? C'est qu'il explore le monde des rêves dans le but de vous éviter un cauchemar, la nuit tombée. Votre Persan fixe le mur à côté de vous ? Un Boggin s'y est probablement dissimulé, prenez garde.

Le jeu a manifestement connu un certain succès, puisque John Wick a remis le couvert en 2011 avec une version "Revised and Expanded". Celle-ci n'a par contre pas remporté les suffrages, la faute à des ajouts jugés plutôt minimalistes et à une mise en page moins professionnelles. À titre personnel, je n'ai pu tester que la première édition (ma critique, écrite en 2011).


Le scénario

A little game about little heroes.

Avec un pitch comme celui de "Cat", il serait facile d'envisager des scénarios enfantins, joyeux, voire puérils. D'ailleurs, la seconde édition propose tout un chapitre sur la manière d'adapter "Cat" à un jeune public.

Toutefois, si John Wick a cru bon de préciser comment adapter son jeu pour des enfants, il n'était spécialement pas prévu pour eux. "Cat", c'est avant tout l'histoire d'une bande de félins qui tentent de prévenir la décadence de leurs protégés humains. Les enjeux sont "locaux", mais pas pour autant dénués de gravité. Dans un jeu de rôle traditionnel, on s'attend à renverser des Tyrans qui malmènent des nations ou à pourfendre des chimères maléfiques pour récupérer le St. Graal. Dans "Cat", les PJs sont appelés à s'intéresser à l'alcoolisme de Gégé ou au manque d'affection parentale de Kevin. Des problématiques proches de nos soucis quotidiens, dramatisées par l'apparition d'esprits maléfiques qui menacent de prendre possession de leurs victimes. Il s'agit là du premier pilier sur lequel reposait mon scénario : des enjeux locaux, mais potentiellement dramatiques.

Le second pilier du scénario, c'est de ne pas perdre de vue son devoir de félin. En effet, les chats peuvent aussi se laisser distraire par leur routine et ignorer le malaise qui pèse sur les humains autour d'eux. Ce scénario mettait donc en scène une guerre des gangs, version poilue, dans laquelle il était vain de s'embourber alors qu'un drame familial se déroulait en arrière-plan.

Enfin, le dernier pilier du scénario, c'était de faire plaisir aux amoureux des chiens. Bah oui : sur les 9 joueurs qui se sont intéressés à Cat, 3 s'avouent plutôt fans de ces gros machins qui bavent et qui puent. Bien que terriblement navrante, cette inclinaison contre-nature m'a motivé à présenter les chiens comme des alliés potentiels face aux Boggins.


L'histoire se déroule à Rotembourg, une cité fictive dont l'apparence pourrait être celle d'une ville américaine typique. Les PJs sont des chats qui vivent dans la banlieue de Saume-Vert, réputée pour ses pâtés de maisons qui se ressemblent tous, son parc naturel et - surtout - sa décharge municipale. Le quartier de Saume-vert attire la convoitise de bien des chats, à tel point que le gang de la Vieille Ville fait des incursions toujours plus fréquentes sur le territoire des PJs. En vérité, l'ambitieux chef du Centre ville - Ondartet (inspiré de Don Barzini du premier "Godfather") - fait des pieds pattes et des mains ... pattes pour déclencher une guerre dévastatrice entre Hagen, la brute qui sert de boss au gang de la Vieille Ville, et Don Micione, le vénérable parrain de Saume-Vert. Une fois les deux camps affaiblis, Ondartet compte faire pattes basses sur la décharge municipale et y tremper ses moustaches sans limite. Des manigances comme celle-là, le petit monde des chats en voit tous les six mois environ (presque 3 ans, en "age chat"). Les problèmes finissent toujours par se régler d'eux-même, mais il est tentant d'y prendre part pour se faire une réputation.

Au milieu de ces intrigues félines de haut vol, c'est une toute autre histoire qui constitue le véritable enjeu du scénario. La trame est directement inspirée de l'accroche scénaristique "Good dog, bad cat" présentée dans la première édition de "Cat".

Cette tragédie prend racine au printemps dernier. Elektra, la chatte noire du voisinage de Saume-Vert, accouche de quatre chatons. Ses protégés humains, la famille Lanford, étaient alors en pleine crise : Helen, mère et cheffe de famille, ne maîtrisait plus son addiction à l'alcool. Garret, père récemment licencié, s'est embourbé dans l'inactivité. Jeremy, l'aîné adolescent, est envahi par ses responsabilités envers ses parents et son petit frère. Celui-ci, Damien, souffre d'un manque d'attention qui se traduit par des peurs nocturnes.

Face à une situation qui ne cesse de se détériorer, Helen décide d'entreprendre une cure de désintoxication intensive, dont les résultats peinent à voir le jour : voilà plusieurs mois qu'elle n'a plus mis les pieds à la maison. Débordé, déprimé et culpabilisé, Garret perd tout contrôle : il considère les chatons d'Elektra comme une nuisance de trop et appelle Ernest, son frère Redneck habitué à ce genre de situations, pour qu'il l'aide à s'en débarrasser. Enfermés dans une boite en carton, les minets sont conduits en voiture jusqu'à la ferme d'Ernest. L'homme confie à Josh, son jeune fils, la tâche de projeter les chatons contre le mur de la grange. Sans que les adultes ne le sachent, l'enfant ne peut s'y résoudre et libère les chatons dans le petit bois qui borde la ferme, en espérant que ceux-ci trouveront un moyen de survivre. Au retour à Saume-Vert, Garret pose la boite en carton dans le garage et retourne se coucher devant la télévision. Elektra, aux abois, finit par découvrir la boite et y sent les phéromones de ses chatons. L'odeur d'effroi qui s'en dégage lui fait immédiatement comprendre quel sort Garret a réservé à sa progéniture. Dès lors, elle décide de se venger. Elle abuse des rêves tourmentés de Garret, Jeremy et Damien pour les mener droit dans le mur. Quelques semaines à peine après le départ d'Helen et la "mort" des chatons, trois Boggins prennent pied dans la résidence Lanford :

  • une "Heavy", l'araignée répugnante qui s'installe sur Garret alors qu'il dort sur son canapé.
  • un "Homme dans le placard", qui terrorise Damien et l'empêche de trouver le sommeil.
  • les frères "Shoulda et Woulda", qui abusent des hésitations constantes de Jeremy en lui murmurant à l'oreille.

C'est là qu'intervient Beethoven, le Beagle des Lanford. Pas très malin, mais d'une fidélité absolue, il constate que ses maîtres agissent d'une manière toujours plus autodestructrice et entreprend de les aider. Sa première action est de forcer Garret à se lever. Pour ce faire, il saisit la télécommande de la télévision et tente de jouer avec le père de famille, en vain. Elektra comprend la manœuvre et se lance à sa poursuite. Lorsqu'elle ramène la télécommande à Garret, elle s'assure que le pauvre Beethoven soit enfermé dans le garage de sorte à ce qu'il ne puisse plus interférer avec sa vengeance.

Lorsque le scénario commence, la situation est déjà grave. La "Heavy" n'a besoin que d'une petite semaine pour prendre possession de Garret, l' "Homme dans le Placard" est bien installé et les frères "Shoulda et Woulda" commencent à se matérialiser sur les épaules de Jeremy. D'ici 15 jours, toute la famille sera condamnée. Nos petits héros vont devoir écarter les sempiternelles chamailleries félines, percer à jour les illusions d'Elektra et sauver les Lanford...


L'élégant chartreux de cette photo s'appelle Rosario d’Ar Poul Gwen. Il a servi d'inspiration pour l'apparence du personnage de Don Micione. Si d'aventure, son propriétaire souhaitait que je retire toutes les mentions / photos, je le ferai sans hésiter et avec toutes mes excuses.